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l'éponge carnivore
ou
le mouton à 5 pattes de la biologie marine

 

 

 

 

 Toutes les vidéos ici , de Christian PETRON un cinéaste sous la mer, qui a beaucoup travaillé avec les chercheurs de la Station Marine d’Endoume.

le repas de l'éponge :

Une vedette de la presse internationale

Pour des raisons mystérieuses mais qu'il serait intéressant d'analyser, cette petite bête de 2 cm a connu un succès mondial. et pas seulement dans les journaux scientifiques, loin de là!

On peut penser que ce résultat médiatique étonnant est le résultat d'une bonne campagne de presse orchestrée par le périodique "Nature" qui a sorti le scoop scientifique et en a fait sa "une", histoire d'augmenter son tirage.

Ou bien que les monstres, et en particulier les carnassiers qui vivent dans les profondeurs des mers...et de nos inconscients sont toujours des arguments de vente efficaces.


Journaux de plongée et de mer, cela se comprend sans doute, mais aussi magazines à destination exclusivement masculine (le mythe du prédateur peut-être?) comme journaux "populaires" (comprenez qui cultivent le sensationnel).

Un bon exemple en est donné par cet article du "Weekly World News" d'Australie

 

 

Une révolution scientifique cachée dans une grotte.

Pour Jean Vacelet et Nicole Boury-Esnault, directeurs de Recherche au CNRS, comme pour d'autres chercheurs travaillant à la Station Marine d'Endoume, les grottes sous-marines sont un terrain de travail privilégié. On y trouve en effet des conditions de vie similaires par bien des points à celles des grands fonds (obscurité, froid, peu de nourriture) et ce, à portée de palmes, si l'on peut dire, sans besoin de sous-marin coûteux.
Aussi, quelle surprise de découvrir en 1995, sur une paroi de la grotte des "3 Pépés", près de la Ciotat, une bestiole inconnue mais qui leur rappelle vaguement quelque chose. Pour eux qui en a vu tant et tant, cela ressemble à une autre espèce d'éponge, qui semble une proche cousine mais a été trouvée à ...8800m de fond dans le Pacifique. Cette dernière fait partie des Cladorhizidés, groupe dont les 65 espèces connues sont toutes strictement localisées dans les grandes profondeurs.Planquées dans les grands fonds, la biologie des Cladorhizidés, leur nutrition, reproduction et même leur anatomie élémentaire, étaient tout à fait mystérieuses. Récoltées par dragages, elles arrivent mortes en surface, et souvent en piteux état.

La mystérieuse locataire de la grotte de La Ciotat est donc une occasion unique de savoir comment vit ce transfuge des profondeurs ?

Et là c'est la surprise, et une surprise de taille : l'éponge cavernicole est dépourvue de tout système de filtration. Elle se nourrit en capturant de petits crustacés, grâce à de longs filaments pourvus de crochets semblables à du Velcro. La capture est passive, mais grâce à des migrations de ses cellules (toujours très mobiles chez les éponges), l'animal est capable d'englober la proie en quelques heures, puis de la digérer.
Or, il faut savoir que les éponges sont par définition des animaux filtreurs, dont tout le corps est organisé pour retenir les microscopiques particules dont ils se nourrissent. C'est même (ou c'était mëme) un critère de leur classification. Le réexamen des spécimens d'éponges de ce groupe récoltés par dragages à grande profondeur indique que ce régime alimentaire inattendu a toute chance d'être général chez les Cladorhizidés - ce qui change évidemment la place qu'on leur attribuait dans les chaînes alimentaires des abysses, un sujet très travaillé actuellement.
La grotte de La Ciotat révèle donc que, dans les conditions de famine des grandes profondeurs, tout un groupe d'éponges a complètement changé de plan d'organisation et de mode de vie, montrant des possibilités évolutives inattendues et remettant même en question, sinon leur appartenance à l'embranchement des Spongiaires, du moins la définition classique que l'on en donne depuis plus d'un siècle dans les traités de Zoologie.
Une vraie révolution chez les spécialistes.
Cette découverte d'une éponge carnivore par le Centre d'Océanologie de Marseille a fait la couverture du célèbre journal scientifique Nature (n°373,1995) qui a exploité le contraste entre l'image habituelle de l'ustensile doux et savonneux de notre salle de bains et celle inattendue d'un cruel prédateur. Le risque de déclencher une panique dans le tourisme méditerranéen, déjà effrayé par "l'algue tueuse" récemment introduite dans notre mer, est heureusement désamorcé par les dimensions du "carnassier" : 2 cm au maximum.

Ce qui n'a pas empêché un journal australien d'en faire un monstre de 6m capable d'avaler 4 plongeurs! Comme on peut le voir ci-contre.

elle vient de capturer une proie, une petite crevette mysidacée

...elle commence à la digérer, 4 jours se sont écoulés depuis la capture

... puis 5 jours : les cellules qui ont migré ont commencé d'envelopper la proie...

la digestion de la crevette se poursuit comme on le voit à la réduction du volume

burp..